France – Roumanie : L’important c’est les 3 points

Entrée en matière difficile pour les Bleus, qui ont dû s’en remettre à un bijou de Dimitri Payet pour arracher 3 points qui permettent de débuter la compétition du bon pied.
Cependant derrière ces 3 points se cache une performance tout sauf rassurante, mettant en lumière des lacunes aperçues depuis longtemps mais passées sous silence grâce aux résultats pendant les amicaux.

1ère mi-temps

Les premières minutes vont donner le ton de ce match : contrairement aux assertions médiatiques prédisant un bus roumain devant sa cage, la Roumanie s’installe en bloc médian/haut et donne beaucoup de responsabilités à ses centraux pour construire.
Face à eux l’Equipe de France se positionne dans son 4-1-4-1 usuel, avec Griezmann sur le flanc droit et Payet à gauche.
L’équipe roumaine cherche habituellement à construire ses actions en progressant ligne par ligne, mais hier soir elle a renié ses principes pour miser beaucoup plus sur des ballons longues vers ses ailiers et notamment vers Stancu au duel avec Sagna.

Au moins l’idée est claire : pilonner les latéraux français par du jeu long

Ce plan de jeu leur a permis de s’installer dans le camp français et d’obliger l’équipe de Deschamps à repartir depuis ses 30 mètres. Comme d’habitude les roumains ont alors adopté un 4-4-2 en bloc médian, avec une première ligne très axiale cherchant à contrôler le rond central.
Comme lors des derniers matchs, le pivot français (ici Kanté, mais le mécanisme était le même avec Diarra) est venu s’intercaler entre les centraux pour créer un 3c2 à la relance. Normalement cette supériorité numérique a pour objectif de libérer un joueur qui peut alors progresser balle au pied en profitant de sa liberté. J’avais longuement détaillé l’intérêt d’une supériorité numérique (+1) à la relance dans un article sur le jeu de position de Guardiola (c’est ici, mais on en retrouve des exemples dans de nombreuses équipes aujourd’hui.
Problème : en Equipe de France cette supériorité numérique n’est pas exploitée. Une lacune qui avait été décortiquée par Florent Toniutti il y a quelques jours (ici).

On le voit sur les exemples précédents, même lorsqu’un joueur libre est créé il ne cherche pas à faire progresser le jeu et à accentuer le déséquilibre. Ces situations sont de toute façon trop rares car le positionnement des 3 joueurs en retrait est loin d’être idéal : ils occupent souvent la même largeur que la ligne de 2 devant eux ce qui ne permet pas de contourner cette doublette.
Le positionnement des relayeurs devant eux n’était pas meilleur puisqu’ils ont continuellement décroché pour demander le ballon hors du bloc adverse. Avec un 5 contre 2 à la relance, la France n’a aucun eu mal à tenir le ballon dans son camp … mais elle n’avait plus assez de relais devant pour faire monter le ballon. D’où la possession stérile.

Les rares décalages français ont souvent été initiés par Pogba, par des changements de jeu bien sentis permettant soit d’aller chercher une zone surchargée (par la proximité de Griezmann et Payet) soit de sortir d’une zone surchargée pour lancer un joueur à l’opposé.

Un jeu long qui a permis de créer quelques situations en sautant le vide entre milieux et attaquants … mais c’était bien peu pour inquiéter réellement les roumains.

D’autant plus que ceux-ci avaient moins de mal à trouver des joueurs derrière le milieu français en se concentrant sur les ailes. Ils ont bien été aidés par des ailiers français inconstants dans leurs efforts défensifs, obligeant Pogba et Matuidi à régulièrement venir cadrer jusqu’à la ligne de touche.

L’inconstance dans le repli défensif des « ailiers » français a permis à la Roumanie de progresser facilement. pic.twitter.com/ADqsxeh4oP

— PEZE Thomas (@Analysport) 11 juin 2016

Cette 1ère mi-temps se terminait sur un 0-0 mérité, les 2 équipes ayant eu une très grosse occasion chacune, mais les situations créées par le jeu étant bien trop rares pour prétendre mériter un but au tableau d’affichage.
Les heatmaps de chaque équipe après 45 minutes témoignent des constats réalisés précédemment.

Une Equipe de France cantonnée dans sa moitié de terrain, qui n’a pu exister dans le camp adverse qu’en s’excentrant sur la ligne de touche gauche. La Roumanie n’a eu aucun mal à se trouver dans le camp français mais a été trop orientée sur les ailes, la rendant très prévisible dans ses offensives.

2ème mi-temps

Après les 15 minutes de mi-temps, les 22 mêmes acteurs furent de retour, mais l’animation française n’était plus tout à fait la même.
Didier Deschamps a demandé à ses relayeurs de ne plus décrocher hors du bloc en même temps, pour conserver au moins un joueur entre les lignes en soutien de la ligne offensive.

Ce meilleur positionnement a permis d’ouvrir des lignes de passe supplémentaires et donc a créé des opportunités de progression verticale.

There should have been more of this: forwards to offer vertical options, which immediately helps the penetration. pic.twitter.com/XIB1JRYdJW

— István Beregi (@szteveo) 11 juin 2016

L’animation défensive fut elle aussi modifiée pour intégrer Griezmann dans la 1ère ligne avec Giroud. Le bloc défensif français se retrouvait alors en 4-4-2 avec Pogba s’occupant du flanc droit.

Ce changement avait peut-être pour but de mettre Griezmann dans de meilleures conditions, en ne lui demandant plus de revenir défendre très bas (ce qu’il faisait peu de toute façon, on l’a vu précédemment).

Cependant l’animation n’était pas bien maîtrisée et le flottement dans la répartition des rôles donnait du temps aux roumains pour construire leurs offensives.

Cette incapacité à récupérer le ballon a été vraiment préjudiciable pour les bleus, qui ne pouvaient pas emballer le match. Un peu mieux dans les phases de construction offensive, ils ne pouvaient vraiment asseoir leur domination car ces phases étaient séparées par des périodes plus ou moins longues de maîtrise roumaine.

Toutefois on commence à voir la France construire des actions autour de la surface roumaine, et la qualité de l’équipe française est vraiment mise en évidence sur ces situations. Avec de nombreux joueurs capables de maîtriser le ballon dans des petits espaces tout en lisant le jeu, les Bleus parviennent à trouver des brèches face à un bloc regroupé.

Le corner obtenu par cette occasion débouchera sur le but d’Olivier Giroud, récompensant un mieux dans le jeu offensif français.

Mais l’avantage au score est de courte durée, puisque quelques minutes plus tard on retrouve ce problème de repli défensif et de cohérence dans la répartition des rôles avec cette fois-ci une conséquence plus lourde puisque Stanciu obtient un pénalty sur une faute de Patrice Evra. Le pénalty transformé par Stancu remet les 2 équipes à égalité et le doute dans la tête des français.
Ce but signe la fin du match pour Griezmann, remplacé par Coman qui prend place sur le flanc droit, ramenant la France en 4-1-4-1.
Quelques minutes plus tard c’est Iordanescu qui fait sortir son homme fort, Stanciu, pour le remplacer par Chipciu. Ce changement s’accompagne d’un replacement axial de Stancu.

Le changement d’homme roumain s’est accompagné d’une modification dans l’animation, puisque le bloc n’était plus en 4-4-2 mais en 4-4-1-1 avec le seul Alibec restant à hauteur des centraux français et étant quasiment délesté des tâches défensives. Ce choix permettait de laisser Alibec plus haut, et donc de faire peser une menace plus importante sur la prise de profondeur immédiate à la récupération du ballon. Cependant il a aussi eu pour conséquence de ne plus permettre au bloc roumain de gêner la relance française comme ils le faisaient en 4-4-2. Laissant des libertés aux centraux et relayeurs français, la Roumanie s’est mise à reculer et à défendre 15 mètres plus bas.

Roumanie est passée en 4-4-1-1 après l’égalisation, délestant Alibec des tâches défensives. Changement critiquable pic.twitter.com/1vTBdkGkzy

— PEZE Thomas (@Analysport) 11 juin 2016

(Il y a une coquille, c’est bien Alibec et pas Andone qui est sur le terrain à ce moment-là)

Comme on l’a vu précédemment, la France est plus à l’aise en jouant face à un bloc bas et a donc -enfin- pu s’installer vraiment dans le camp adverse.
Dans le même temps les entrées de Martial et de Coman ont amené du dynamisme à l’EDF, les 2 joueurs parvenant à gagner du terrain balle au pied, accentuant d’autant plus la domination territoriale française.
Cependant cette domination est arrivé tard dans le match et n’a pas permis pas de créer de vraie situation dangereuse. Mais le bijou de Payet en fut le résultat direct, car en jouant autour de la surface adverse l’équipe de Deschamps a trouvé des opportunités de frappe.

Conclusion

Il ne faut pas forcément tirer des conclusions définitives de ce match qui a eu lieu dans un contexte très spécial (match d’ouverture à domicile), mais il ne serait pas plus avisé de se cacher les yeux en invoquant les 3 points glanés par l’Equipe de France.
Car plusieurs lacunes observées pendant cette rencontre existaient déjà lors des matchs précédents, comme la phase de relance depuis les défenseurs centraux.